Ce que l’on sait pour l’instant
Le Projet de Loi de Finances 2026 (PLF 2026) introduit une mesure qui pourrait profondément transformer la gestion du patrimoine des entrepreneurs :
une taxe annuelle de 2 % sur les actifs non professionnels détenus par les sociétés holdings.
Présentée comme une alternative à la fameuse “taxe Zucman”, cette réforme vise à mieux imposer les grandes fortunes logées dans des structures patrimoniales et à limiter la rétention de bénéfices au sein de sociétés de gestion de patrimoine.
Une réforme à la croisée de la fiscalité du capital et du patrimoine
L’objectif affiché du gouvernement est clair :
« faire en sorte que les personnes les plus fortunées soient imposées sur les revenus générés par leur patrimoine, même lorsqu’ils ne sont pas distribués ».
Concrètement, cette taxe cible les holdings patrimoniales qui thésaurisent les revenus au lieu de les redistribuer.
Les sociétés opérationnelles, créatrices de valeur et d’emplois, ne sont pas directement visées, mais certaines holdings animatrices pourraient se retrouver dans le champ de la taxe.
Le rendement attendu est modeste — 1 à 1,5 milliard d’euros —, mais le signal politique est fort : faire contribuer davantage les structures patrimoniales au financement public.
Quelles sociétés seraient concernées ?
La taxe s’appliquerait aux sociétés françaises soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) qui remplissent trois conditions cumulatives :
- Un actif brut supérieur à 5 millions d’euros à la clôture de l’exercice ;
- Un contrôle significatif (au moins 33,33 % des droits de vote ou financiers) exercé par une ou plusieurs personnes physiques, éventuellement liées par un pacte familial ;
- Des revenus dits “passifs” représentant plus de 50 % du total des produits.
➞ Par revenus passifs, on entend notamment : dividendes, intérêts, loyers, produits de cession d’actifs financiers ou immobiliers, etc.
Les sociétés contrôlées par d’autres holdings déjà taxées seraient exemptées, afin d’éviter une double imposition en cascade.
Comment serait calculée la base imposable ?
L’assiette de la taxe reposerait sur la valeur vénale des actifs patrimoniaux de la société, à la date de clôture :
- Biens immobiliers non affectés à une activité opérationnelle
- Disponibilités et titres financiers (portefeuilles, OPCVM, contrats de capitalisation, participations minoritaires, etc.) ;
- Participations indirectes dans des filiales patrimonial
Les actifs “professionnels” (affectés à une activité industrielle, commerciale, agricole ou libérale) seraient exclus du champ.
Bon à savoir : les actifs immobiliers déjà soumis à la taxe de 2 % au niveau de la holding seraient exonérés d’IFI chez les actionnaires.
Quels allègements ou déductions possibles ?
Le texte prévoit quelques mécanismes d’atténuation pour ne pas pénaliser les sociétés réinvestissant leur capital :
- exclusion des liquidités issues d’une augmentation de capital récente (moins de 24 mois) non encore réemployées ;
- déduction des produits de cession d’actifs professionnels non encore réinvestis ;
- abattement correspondant au plus élevé des montants suivants :
- 15 % de la valeur totale des actifs
- deux fois le résultat comptable moyen des trois derniers exercices
- les dettes à court terme (< 1 an),
- la moyenne des investissements opérationnels des trois dernières années.
➞ En revanche, aucune déduction spécifique n’est prévue pour les dividendes distribués, ce qui peut conduire à une double imposition : la société paie la taxe sur ses actifs patrimoniaux tandis que l’actionnaire est imposé sur les dividendes reçus.
Et les holdings étrangères ?
Les sociétés étrangères contrôlées par des résidents fiscaux français ne sont pas épargnées.
Dans ce cas, la taxe serait due directement par l’actionnaire personne physique, sur la valeur de sa participation dans la société étrangère.
Mais cette mesure soulève de nombreuses incertitudes juridiques :
- risque de double imposition pour les holdings luxembourgeoises déjà soumises à un impôt sur la fortune (0,5 %) ;
- possible incompatibilité avec les conventions fiscales internationales (notamment France-Luxembourg) ;
- inégalité de traitement entre actionnaires de holdings françaises (imposition supportée par la société) et étrangères (imposition personnelle)
Modalités déclaratives et calendrier
- Pour les sociétés françaises :
La taxe serait exigible à partir des exercices clos au 31 décembre 2025, à déclarer avec les résultats de l’exercice. Elle ne serait pas déductible de l’impôt sur les sociétés. - Pour les sociétés étrangères :
Les actionnaires résidents français devraient la déclarer personnellement à compter des exercices clos au 31 décembre 2026.
Un texte juridiquement fragile
Plusieurs risques constitutionnels entourent le projet :
- Complexité excessive (108 alinéas), contraire au principe de clarté et d’intelligibilité de la loi
- Effet confiscatoire potentiel, la taxe s’appliquant même en cas de pertes
- Absence de mécanisme de plafonnement, pouvant contraindre certaines sociétés à vendre des actifs pour s’acquitter de la taxe
- Traitement différencié entre holdings françaises et étrangères, contraire à la libre circulation des capitaux.
Selon plusieurs fiscalistes, ces éléments pourraient mener à une censure partielle ou totale par le Conseil constitutionnel.
En pratique : quelles implications pour les dirigeants et investisseurs ?
Pour les dirigeants et actionnaires familiaux, cette taxe change la donne :
- Anticiper la structuration du groupe pour éviter la double imposition entre holding ;
- Optimiser la gouvernance financière (répartition des dividendes, stratégie de réinvestissement) ;
- Réexaminer les choix de localisation des structures patrimoniales à l’international ;
- Modéliser l’impact sur la trésorerie consolidée du groupe.
Chez Anaxago, nous observons que cette réforme pourrait accélérer un mouvement de réallocation du capital vers des investissements productifs, tout en incitant les holdings à repenser leur modèle économique.
En conclusion
La taxe de 2 % sur les holdings patrimoniales marque un tournant dans la fiscalité du capital en France.
Elle traduit la volonté politique de faire contribuer davantage les grandes fortunes, mais soulève de sérieuses questions d’équité et de cohérence économique.
Pour les entrepreneurs-investisseurs, il s’agit avant tout d’une invitation à repenser la stratégie patrimoniale : retraiter la structure de détention, sécuriser la gouvernance et anticiper les impacts fiscaux dès 2025.